Ce mercredi 15 septembre, M.
Accoyer, Président de l’Assemblée nationale, obéissant à une consigne du
Président de la République et sans aucun respect pour les représentants de la
nation, a interrompu les explications de vote personnelles en cours à 9h40,
alors que beaucoup de parlementaires, opposés à la loi sur la réforme des
retraites, n’ont pas pu faire usage d’un droit d’expression constitutionnel.
Je n’ai pu prononcer
l’intervention suivante :
M. le Président, M. le Ministre,
mes chers collègues,
Je fais usage de cette
explication de vote personnelle en cohérence avec mon groupe et au nom de mes
concitoyens qui m’ont élu pour les représenter.
Tout ne s’oublie pas et beaucoup
de concitoyens de ma région n’ont pas oublié qu’une des mesures phares du
gouvernement de Pierre Mauroy, en 1981, la retraite à 60 ans, a été vécue comme
une délivrance, surtout par les plus modestes et surtout par les salariés du
secteur privé.
En effet, on entend beaucoup dans
les rangs de la droite que les salariés du secteur public sont des privilégiés
et qu’il faut remettre en cause leurs avantages sociaux.
Le gouvernement de gauche de
Pierre Mauroy avait, quant à lui, décidé d’aligner tous les salariés par le
haut en accordant le droit de partir en retraite à 60 ans.
Et votre gouvernement, par un
retour du balancier, et parce que c’est dans sa nature, veut décider de
repousser l’âge du départ en retraite. Ensuite vous trouvez toutes les
justifications, comme vos prédécesseurs qui se sont opposés à la semaine de 40
heures puis de 35 heures et aux congés payés, aux 2 semaines, aux 3 semaines,
aux 4 semaines et aux 5 semaines. Nous sommes dans la vraie continuité
historique de votre camp politique et du patronat qui a pour devise: « Travailler
plus pour gagner moins ».
Élu d’une région marquée par
l’industrie, notamment par la mine, la sidérurgie, le textile, avec une
majorité d’emplois d’ouvriers ou d’employés auxquels il faut ajouter la dureté
des emplois agricoles, je ne peux que condamner un texte repoussant l’âge de la
retraite à 62 ans voire 67 pour des femmes et des hommes usés par des carrières
longues et ayant droit indiscutablement au repos.
Aujourd’hui ces emplois pénibles
qui avaient pourtant le mérite d’offrir une activité à tous, y compris aux
moins qualifiés, sont plus rares et nombreux sont ceux qui a 56.57.58 ans se
trouvent en situation de chômage et doivent attendre plus longtemps l’âge de la
retraite pour percevoir une pension qui représente une amélioration par rapport
à de maigres indemnités.
Votre décision va les maintenir
dans la situation de chômage précaire plusieurs années supplémentaires. Les uns
et les autres nous les rencontrons dans nos permanences confrontant leurs
maigres ressources avec leurs dépenses obligatoires (logement, énergie,
alimentation, habillement).
Donc pour des milliers et des
milliers de chômeurs âgés cette situation va hélas perdurer. Oui, de toute ma conviction
d’élu de la République, je ne peux que refuser une telle loi injuste qui
maintiendra au chômage ou en activité forcée des travailleurs qui méritent le
repos.
J’ai le souvenir que lors de ma
première visite aux Etats-Unis j’avais été frappé de constater que des hommes
ou des femmes âgés, ayant parfois plus de 65 ans, effectuaient des tâches de
service dans les restaurants, les magasins ou les aéroports. Je m’étais rassuré
en me disant que c’était là un travers du libéralisme qui néglige la protection
sociale ou l’assurance-maladie. Cette société sans pitié pour ceux qui ne
contractent pas d’assurance individuelle contre la maladie ou pour se
constituer un capital-retraite, cette société américaine ne pouvait pas être la
nôtre. La France avec ses acquis et ses conquêtes sociales paraissait un pays
bien plus équitable. Hélas ! cette société injuste nous y sommes
maintenant nous aussi !
Par une véritable régression,
vous multipliez les décisions de recul social qui, certes, nous mettent en
harmonie avec l’Angleterre, ou avec l’Espagne, ou avec la Pologne, ou avec la
Russie, ou avec les Etats-Unis, c’est-à-dire avec des pays qui n’ont pas la
riche histoire de la République française, de ses combats, de ses avancées
sociales.
Voilà les raisons pour lesquelles,
en plein accord avec les électeurs de ma région, de ma circonscription et avec
tous les élus de gauche de cette assemblée, je voterai contre cette loi injuste
et de retour en arrière que vous nous proposez.
L'intervention en pdf